Hommage de Maurras à feu Mgr Guillibert (1926)
Contenu
Titre
Hommage de Maurras à feu Mgr Guillibert (1926)
Titre alternatif
Mort de Mgr Guillibert - L'évêque de Fréjus
Description
Hommage de Charles Maurras à Mgr Guillibert dans l'Action française du 2 juin 1926 (n° 153), suite au décès de l'évêque de Fréjus qu'enfant, il avait connu jeune prêtre du diocèse d'Aix.
Date
2 juin 1926
cote
FR AEC 83
Détenteur des droits
Archives diocésaines de Fréjus-Toulon
Licence
Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Pas de Modification
CC BY-NC-ND
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contenu
MORT DE MGR GUILLIBERT
Mgr Guillibert, évêque de Fréjus et Toulon depuis 1906, est mort dans la soirée de lundi à l'âge de 84 ans.
Le vénérable prélat a été surpris par la maladie au cours d'une tournée pastorale à Aups (Var).
Mgr Guillibert avait été nommé, le 30 avril 1918, inspecteur général des aumôniers et prêtres de la marine française ; il avait été décoré de la Légion d'honneur au titre du ministère de la marine.
Mgr Guillibert, évêque de Fréjus et Toulon depuis 1906, est mort dans la soirée de lundi à l'âge de 84 ans.
Le vénérable prélat a été surpris par la maladie au cours d'une tournée pastorale à Aups (Var).
Mgr Guillibert avait été nommé, le 30 avril 1918, inspecteur général des aumôniers et prêtres de la marine française ; il avait été décoré de la Légion d'honneur au titre du ministère de la marine.
III. L'EVEQUE DE FREJUS
L'évêque de Fréjus, Mgr Guillibert, avait sans doute consacré ce qui restait de ses forces mourantes à la belle lettre par laquelle ce prélat, sollicité de concourir aux contributions volontaires, a refusé jusqu'à rectification d'une politique religieuse inacceptable pour lui.
Qu'il me soit permis de saluer cette mémoire. Il y a plus d'un demi-siècle que m'est connue la haute et fine silhouette de Mgr Guillibert.
D'abord curé dans ma paroisse natale, supérieur du collège catholique d'Aix, puis professeur de philosophie, mêlé aux plus lointaines images de mon enfance et de ma jeunesse, c'était un Aixois de vieille famille parlementaire où le goût des élégances littéraires étaient de tradition. Aimable autant qu'austère, excellant à faire d'un prône ou d'un sermon une causerie, écrivant avec vigueur et avec force, non parfois sans quelque recherche, mais limpide et toujours aisé, je l'ai vu débuter en homme d'action, animateur, comme on dit, et entraineur d'hommes, déployant des trésors d'activité et de vigilance sur les troupeaux divers qui lui étaient confiés : "Benagi moussu Guillibert - qui, a toujours agui lisine dubert - que touti li capelan qui an passa - an toujours agut lisine ferma..." "Heureux", disait une femme du peuple dans une espèce de "vocero" postérieur de dix ans à son passage dans sa première paroisse. "Heureux M. Guillibert qui a toujours eu les yeux ouverts, quand tous les curés qui ont passé ont toujours eu les yeux fermés...". Il avait d'ailleurs le sens de l'opportun, du nouveau, du vivant, j'oserai presque dire dans l'ordre supérieur de l'esprit, de la mode elle-même. Il fut, je crois, l'un des premiers prêtres français qui, répondant au premier appel de Léon XIII, ait repris l'étude de la scolastique, et c'est à lui, certainement, que je dois mes curiosités élémentaires du thomisme. Ses confrères en restaient soit à Descartes, soit à la position de Bossuet : il manifestait et propageait son enthousiasme pour l'Ange de l'Ecole et ses commentateurs.
Bien que nommé par Pie X, il passa quelques temps pour défavorable à l'Action Française. Cela ne dura point, et notre ami le commandant Dublaix n'a certainement pas oublié la vive protestation que Mgr Guillibert éleva le jour où il se vit classé parmi les "libéraux". Indifférent à la politique proprement dite, mais patriote ardent, fier de la victoire, passionné pour la flotte, dont il était le grand aumônier, et j'oserai dire l'orateur éloquent, rongé d'une amère tristesse au spectacle de notre décadence en Méditerranée, il ressentait de tout coeur et de tout esprit le espérances de relèvement national. J'avoue n'avoir point ressenti une médiocre fierté de l'intérêt toujours croissant qu'il avait bien voulu accorder à notre oeuvre et à notre effort. Quand on lui parlait, me dit-on, de l'Action Française, se physionomie s'éclairait. Peu de visages de vieillards ont montré un sourire plus gracieux. Il n'était que sexagénaire, une toute petite fille que je connais, aujourd'hui mère de famille, lui fit la révérence et lui dit tout à cran :
- Monseigneur, tonton Sarles, dit que vous êtes le plus zoli évêque de France.
- Et le meilleur ! ajouta une voix pieuse.
Il y avait plus que de la sincérité et bien de la vérité dans les deux compliments.
Charles MAURRAS
L'évêque de Fréjus, Mgr Guillibert, avait sans doute consacré ce qui restait de ses forces mourantes à la belle lettre par laquelle ce prélat, sollicité de concourir aux contributions volontaires, a refusé jusqu'à rectification d'une politique religieuse inacceptable pour lui.
Qu'il me soit permis de saluer cette mémoire. Il y a plus d'un demi-siècle que m'est connue la haute et fine silhouette de Mgr Guillibert.
D'abord curé dans ma paroisse natale, supérieur du collège catholique d'Aix, puis professeur de philosophie, mêlé aux plus lointaines images de mon enfance et de ma jeunesse, c'était un Aixois de vieille famille parlementaire où le goût des élégances littéraires étaient de tradition. Aimable autant qu'austère, excellant à faire d'un prône ou d'un sermon une causerie, écrivant avec vigueur et avec force, non parfois sans quelque recherche, mais limpide et toujours aisé, je l'ai vu débuter en homme d'action, animateur, comme on dit, et entraineur d'hommes, déployant des trésors d'activité et de vigilance sur les troupeaux divers qui lui étaient confiés : "Benagi moussu Guillibert - qui, a toujours agui lisine dubert - que touti li capelan qui an passa - an toujours agut lisine ferma..." "Heureux", disait une femme du peuple dans une espèce de "vocero" postérieur de dix ans à son passage dans sa première paroisse. "Heureux M. Guillibert qui a toujours eu les yeux ouverts, quand tous les curés qui ont passé ont toujours eu les yeux fermés...". Il avait d'ailleurs le sens de l'opportun, du nouveau, du vivant, j'oserai presque dire dans l'ordre supérieur de l'esprit, de la mode elle-même. Il fut, je crois, l'un des premiers prêtres français qui, répondant au premier appel de Léon XIII, ait repris l'étude de la scolastique, et c'est à lui, certainement, que je dois mes curiosités élémentaires du thomisme. Ses confrères en restaient soit à Descartes, soit à la position de Bossuet : il manifestait et propageait son enthousiasme pour l'Ange de l'Ecole et ses commentateurs.
Bien que nommé par Pie X, il passa quelques temps pour défavorable à l'Action Française. Cela ne dura point, et notre ami le commandant Dublaix n'a certainement pas oublié la vive protestation que Mgr Guillibert éleva le jour où il se vit classé parmi les "libéraux". Indifférent à la politique proprement dite, mais patriote ardent, fier de la victoire, passionné pour la flotte, dont il était le grand aumônier, et j'oserai dire l'orateur éloquent, rongé d'une amère tristesse au spectacle de notre décadence en Méditerranée, il ressentait de tout coeur et de tout esprit le espérances de relèvement national. J'avoue n'avoir point ressenti une médiocre fierté de l'intérêt toujours croissant qu'il avait bien voulu accorder à notre oeuvre et à notre effort. Quand on lui parlait, me dit-on, de l'Action Française, se physionomie s'éclairait. Peu de visages de vieillards ont montré un sourire plus gracieux. Il n'était que sexagénaire, une toute petite fille que je connais, aujourd'hui mère de famille, lui fit la révérence et lui dit tout à cran :
- Monseigneur, tonton Sarles, dit que vous êtes le plus zoli évêque de France.
- Et le meilleur ! ajouta une voix pieuse.
Il y avait plus que de la sincérité et bien de la vérité dans les deux compliments.
Charles MAURRAS